Quatre hommes et une douceur pour l’hiver : c’est « Mè Ni Wè ».
Roseaux. Trois hommes (l’ancien programmateur de Nova Émile Omar, le violoncelliste Clément Petit, le directeur musical Alex Finkin) au service d’un projet marqué soul, jazz, funk, blues, pop, qui sortaient début septembre un second album — Roseaux II, Tôt ou Tard — dans lequel avaient pu se réfugier, s’abriter, se ressaisir, toutes les âmes fracturées qui auraient eu besoin d’un repaire pour reprendre un peu de force pour survivre à l’hiver qui se profilait à l’horizon. Les sensibles, plus encore que les autres, ont besoin d’épaules sur lesquelles se reposer un instant. Les solides aussi.
Blick Bassy. Un homme, également auteur en 2019 d’un album somptueux — son troisième, 1958 — qui racontait l’histoire, politique, d’un résistant que d’autres avaient qualifié de terroriste — Ruben Um Nyobè, l’indépendantiste camerounais assassiné en 1958 et longtemps dénigré par le pouvoir en place —, et dont la mémoire se trouvait réhabilité par un disque qui faisait quasiment office de manuel — alternatif — d’Histoire. Un prix Sacem l’a récompensé la semaine passée : félicitations à lui.
Roseaux et Blick Bassy. Sur l’album des premiers, le second avait posé sa voix d’orfèvre, et ce à trois reprises. Quand les chakras s’ouvrent en même temps et dans le même sens, on recommence. Il y avait eu « Kaät », qui ouvrait le disque (et qu’on vous jouait pas mal à l’antenne), et puis « Libäk », qui le clôturait quasiment. Entre les deux, des collaborations multiples avec quelques voix qui portent — celles de Ben L’Oncle Soul, d’Ana Majidson ou de Mélissa Laveaux —, et un autre morceau avec le franco-camerounais remis en avant aujourd’hui par les images de Ruff Mercy, dont on nous murmure à l’oreille qu’il a eu l’occasion de mettre son talent au service de Thom Yorke, de Disclosure, de Tom Misch, de Young Thug.
Dans le clip, une vague très concrète se forme et bascule dans l’abstrait, dans l’incertain, dans l’après. On observe la métamorphose en laissant voguer l’esprit, et on écoute Blick Bassy déverser sa mélancolie par le biais d’une douceur folle. C’est sa spécialité, on y est habitué. L’esthétique est free-jazz, un brin psyché, et toujours, naturellement, orientée vers un mot qu’on ne résumera pas au genre musical qu’il implique, mais plutôt à l’idée qui se camoufle gentiment derrière : ensemble, Roseaux et Blick Bassy sont soul, c’est-à-dire pourvus d’une âme qui ne demande qu’à vivre.
Visuel © Ojoz