La génération « No future » a enfin son film !
Punk, le dernier téléfilm de Jean-Stéphane Sauvaire (Johnny Mad Dog, Carlitos Medellin), adapté du roman Viens là que je te tue ma belle de Boris Bergmann, sera diffusé sur Arte le 22 février 2013 à 22h25.
Voir ce film résolument punk – dans son sujet, c’est entendu, mais aussi dans le traitement cinématographique qu’il reçoit – s’inviter à une heure d’écoute honorable dans la chaleur candide des foyers repus a quelque chose de franchement cocasse. Difficile en effet de réprimer un rictus malicieux à l’idée que d’intellos ménagers (de plus ou moins 50 ans), à la vie et aux idées bien rangées, vont découvrir les péripéties « No future » de Paul, 15 ans, apprenti junkie perché entre Paris et Berlin.
Surtout qu’une fois passés les rails de coke sur la biographie de Benoît XVI, les pogos anarchiques dans des hangars désaffectés, les embrouilles musclées avec des fachos ou des agents de la Bac et une scène désopilante avec des travelos artificiellement membrés, il leur faudra encore digérer la relation quasi incestueuse de Paul et sa mère Térésa (une sainte elle aussi) – génialement campée par Béatrice Dalle.
Pour bien comprendre l’ampleur névrotique du personnage, Térésa est une mère-poule esseulée, maladivement jalouse des aventures extra-familiales de sa progéniture et encline à une scopophilie indigeste chaque fois qu’il se dénude. Beau programme !
Mais à part ça, tout va bien dans la vie de Paul ! (Paul Bartel, un acteur prometteur). Il a des copains crêteux un brin déjantés mais attachants, une copine charmante quoiqu’un peu volage (belle interprétation de Marie-Ange Casta), un simili grand frère boxeur de jour et dealer de nuit, bref une flopée de relations qui, chacune à leur manière, comblent partiellement l’absence pesante du père de Paul.
Ce père retrouvé, mais trop lâche pour reconnaître ses forfaits génitifs passés, joue ainsi le rôle de fil conducteur dans les pérégrinations urbaines de Paul ; n’apparaissant qu’en filigrane, il est comme la condition négative et évanescente de l’insouciante liberté de son fils renié.
En pratique, Paul est un ado comme les autres. Elevé dans une famille monoparentale, il pâtit d’un profond manque de repères – ce qui ne va pas de soi au demeurant – et noie ce chagrin contenu dans l’alcool, le sexe, la drogue, la musique à fond les ballons (de proto)… Toutes sortes de premières expériences qui ne sont pas forcément heureuses, mais qui, mises bout à bout, prennent la forme d’une quête initiatique aux confins de l’enfance et à l’orée de l’âge adulte.
Initiation à la vie qui, on l’espère (no spoiler), permettra à Paul de se débarrasser du poids de l’absence de (re)père.
Une esthétique parcellaire et inchoative sert finalement le propos du film. Les aventures du jeune punk sont contées en pointillés et en gros plans, de sorte que chaque scène semble valoir pour elle-même. A ce titre, on peine parfois à saisir la logique de leurs successions. Aporie qui en définitive se trouve compensée par la puissance visuelle et sonore de ces singularités cinématographiques.
La bande-son, climax de la musique punk, n’y est évidemment pas pour rien dans cette histoire. Et puis, cette esthétique de la fragmentation s’accorde bien avec l’esprit punk : rejet de la rationalité bourgeoise, appel à la déconstruction, au désordre, à l’émeute, à la libération anarchique des forces.
Un ouragan de liberté souffle bel et bien dans les têtes à la fin de ce film. Gageons que nos ménagers auront tenu jusques là !