Brièvement exilé en Bretagne, cet écrivain parisien « rêve de journées sans bips et sans concerts », de « véhicules à l’arrêt », tout en réclamant « le clapotis intérieur de la poésie ou de l’activité sexuelle ».
« Dans la perspective d’un monde plus juste, où les crapauds parleraient, où les chiens écriraient l’Histoire des croquettes, j’aimerais évoquer l’instauration d’une année du silence. » La voix est sûre, le timbre grave, les propos surréalistes. Historien de formation, énarque issu de la même promo qu’Emmanuel Macron, auteur d’une dizaine d’ouvrages (romans et poésies, aux titres souvent funèbres : Le Nœud du pendu, Le Crématorium inutile, La Pâture des vers, Aucune ancre au fond de l’abîme), l’écrivain parisien Valéry Molet nous adresse – depuis la Bretagne – une drôle d’apologie pataphysique du silence. Mais qu’est-ce que le silence ? « Foutre ! C’est comme la poésie, personne n’en sait rien (…) Ce n’est ni une lame de rasoir, ni une casquette, ni une banane molle abandonnée sur la banquette arrière d’une carcasse de voiture. » Pour celles et ceux qui aiment les nuages, cet admirateur de Pouchkine, de Céline et de Virginia Woolf préconise le vote par référendum d’un an de mutisme absolu, tous les deux ans, afin que plus rien « ne bruisse ou ne gigote », le tout sous des « pluies torrentielles », afin de contrer semble-t-il l’atmosphère générale de « fête tristounette » et de « laisser-aller vestimentaire » – notamment vis-à-vis de notre usage préoccupant des claquettes. La France a peur, car ici, « les récalcitrants seraient condamnés à vivre sur la côte d’Azur ».
Comme rien n’arrive par hasard, Valéry Molet publiera en 2021 un bref essai sur ce « roman qui empeste, dont l’odeur vous poursuit », Gilles, de l’écrivain Pierre Drieu la Rochelle (1893-1945, dandy, dada, séducteur compulsif, d’abord républicain, ami d’Aragon, de Lacan, de Malraux, qui vira ensuite « socialiste fasciste » et collabo) aux éditions Le Feu Sacré. Où l’on pourra lire, encore : « Si seulement, on pouvait rendre tout silencieux et vide pendant quelques instants, on s’apercevrait avec ironie que rien ne nous manque (…) Tout bipe. On fait une marche arrière, cela bipe. On frôle une voiture, cela bipe. Les restaurants, les gares, les hôtels bipent nuit et jour à rendre fou un coléoptère. Les téléphones bipent, sonnent, rôdent dans les absides du bruit. (…) Les neurones grillent. Cela sent la saucisse. »
Image : Edward Hopper, Route à quatre voies (1956).