Les sons de ceux qui y travaillent.
Du 25 au 31 mai, Villette Sonique s’installe dans tout le Parc de la Villette à Paris. Du Trabendo à la Grande Halle, du Cabaret Sauvage au Wip, et maintenant la Halle aux Cuirs, le festival est partout.
Depuis 10 ans, le festival irrigue les oreilles parisiennes et celles en guoguette de sons à la fois pointus et populaires, et annonce l’été. Cette année encore, la programmation s’annonce tonitruante : Einstürzende Neubauten y cotoie par exemple Annette Peacock, la rappeuse américaine Princess Nokia, les Belges de Pizza Noise Mafia et les Japonais Merzbow et Keiji Haino avec le batteur hongrois Balázs Pándi.
L’équipe du festival nous a raconté ce que c’était de travailler avec un festival qui promet chaque année de grandes découvertes, et des horizons musicaux nouveaux. Qu’ils viennent d’arriver dans l’organisation après des années en tant que festivaliers ou y travaillent depuis des années, c’est en effet l’impression qui ressort : avis aux oreilles en quête de nouvelles sensations, la programmation d’Etienne Blanchot nous grandit.
JULIEN, Production & régie
Tu t’occupes de quoi plus particulièrement dans la production ?
De toutes les scènes extérieures : la Halle aux Cuirs et Périphérique. On a choisi cette année d’exploiter un nouveau lieu, un espace méconnu du Parc qui est peu accessible au public. On perd le côté champêtre, mais on va vraiment y gagner au niveau de la qualité du son.. Le nouveau spot est bien indus, bétonné, il s’habille tout seul. Je m’occupe donc des deux scènes gratuites. C’est un festival très généreux ! On peut ensuite enchaîner sur la prog à la philharmonie, au WIP et dans la Grande Halle.
D’ailleurs au WIP, il y a le Collectif_Sin~ co-fondé par Flavien Berger, qui a carte blanche et qui va prendre les commandes de ce lieu vraiment atypique, et inviter une quinzaine d’artistes. Ils ont tout installé, dessiné les plans, ils ont eu une totale liberté.
.
Le Soundcloud du collectif (qui sont apparemment chasseurs de faille et mangeurs de crustacés)
À la prod, on vous a demandé des choses très compliquées cette année ?
Pas vraiment, il y a le live en quadriphonie de la Colonie de Vacances (qui réunit Pneu, Electric Electric, Marvin et Papier Tigre) qui promet d’être intense, puisque c’est quatre groupes de rock qui jouent en simultané, mais au final, ils sont assez autonomes. De manière générale, on essaie de laisser de la place à l’improvisation, si Ty Segall veut sauter dans le public avec sa guitare, il le fait. On a d’ailleurs pas de crash-barrière. Nous ne voulons pas de distance entre la scène et le public, et beaucoup d’écoute entre les groupes et nous.
Colonie de vacanes, en live à Tours :
Qu’est-ce que tu as découvert en travaillant pour Villette Sonique
Beaucoup de choses, par exemple Nisennenmondai, trois Japonaises qui font de la techno en live avec des instruments. Ce sont des métronomes ces filles, elles sont hyper exigeantes et pointues. J’ai pris une grosse claque, depuis je les suis.
Qu’est-ce qui te rend particulièrement curieux dans la progammation de cette année ?
J’ai vraiment hâte de voir ce que va donner KOKOKO ! la collaboration entre Debruit et deux figures musicales de Kinshasa : le MC Makara Bianco et le groupe Slum Robot. Ça fait quelques temps maintenant que les productions de Débruit sont ouvertes sur le monde, il a fait pas mal de sons arabisants et là, de le voir avec des musiciens de Kinshasa, j’attends impatiemment.
Il y a aussi la collaboration entre Cheveu & Group Doueh, une rencontre entre un trio punk et les musiciens du désert du Sahara. J’ai écouté l’album et j’ai vraiment très envie de voir ce que ça donne sur scène. J’ai aussi envie d’une bonne dose d’énergie, ce sera le cas lors de la touche finale du festival, avec The Make Up et The Blind Shake au Cabaret Sauvage.
VINCENT CUNY, chargé de promotion
Après des années de fréquentation du festival au village label ou derrière le merchandising de Thurston Moore, guitariste de Sonic Youth, Vincent a rejoint l’équipe du festival cette année.
Comment tu présentes le festival Vincent ?
Comme un festival d’avant-garde qui défend des esthétiques pas toujours très bien représentées… Par exemple le premier soir, il y a un trio extraordinaire : les Japonais Merzbow & Keiji Haino avec le batteur Balazs Pandi. Merzbow et Keiji Haino, ce sont vraiment des artistes japonais cultes. Keiji Haino a une approche du rock et du son assez révolutionnaire, basée sur les textures, l’improvisation, le bruit… Merzbow, lui, produit une musique plus électronique, mais il y a aussi beaucoup de recherche, d’improvisation, ça va être très intense.
Si on veut écouter le trio :
C’est quoi le délire avec les artistes Japonais dans le festival ?
C’est un archipel qui est à l’autre bout du monde, mais qui est quand même influencée par la culture occidentale, et le rock qui s’est développé là-bas – je ne sais pas si l’insularité a changé la donne – a un côté complètement barré. C’est une vision unique du son, vraiment propre à eux. Ils ont une manière de jouer de la musique vraiment habitée, hyper singulière. Et puis je crois qu’Etienne Blanchot, le programmateur a vraiment un crush sur le Japon.
Quelle est la plus grosse claque que tu as pris à Villette Sonique ?
Il y a eu mille. Mais l’année dernière, la soirée avec Boredoms, Beak et Ata Kak (ndlr : découvert par Awesome Tapes of Africa) était absolument incroyable, il m’a fallu deux jours pour redescendre. Ata Kak c’était génial, mais l’enchaînement de Boredoms et Beak a transformé ma perception, m’a mis dans un état de transe qui n’avait jamais été provoqué par aucun concert avant. Boredoms, c’est vraiment un groupe de rock japonais mythique des années 90, cela faisait longtemps que le festival voulait les faire venir. On comprend pourquoi. Et puis en plus, la batteuse des Boredoms, Yoshimi P We revient cette année avec son groupe 100% féminin, OOIOO.
Boredoms
Qu’est-ce qui te rend très curieux dans la programmation de cette année ?
Alors j’ai hâte de voir Einstürzende Neubauten, que je veux voir depuis des années. Mais au-delà des groupes, je suis très impatient de voir ce que va donner la progra extérieure. Deux semaines après avoir pris le poste, alors que j’étais sceptique, je suis allé visiter pour la première fois l’espace où se déroulera le programme plein-air (Halle aux Cuirs, Périphérique) et j’ai compris : ça va être hyper bien ! Il y a un côté indus et on peut accueillir entre 5000 et 6000 personnes, ça va être une grosse rave party de jour.
Mathilde, stagiaire à Villette Sonique et ancienne festivalière
Quel est ton rapport à Villette Sonique ?
Je suis venue en 2014 et 2016, en 2014, je suis venue toute seule depuis Brest juste pour Villette Sonique, je voulais absolument voir Ty Segall et je trouvais le reste de la programmation démente. Et cette année donc, je suis stagiaire et je m’occupe de la coordination du village label où se croisent des dizaines de labels et disquaires indépendants pendant le festival.
Ton souvenir le plus fort en tant que festivalière ?
Ata Kak, le samedi soir l’an passé. L’après-midi, on faisait le plein air avec mes amis et l’un d’eux nous a parlé de ce groupe : c’était inédit et selon lui ça allait être génial. Et c’était de la folie, je ne sais pas comment définir ça, il y avait une sorte de communion, les gens dansaient ensemble, se souriaient, même le chanteur avait l’air super heureux, presque étonné que le public soit aussi fou.
Puis il y a eu le lendemain soir, le dimanche, on ne pensait pas y aller à cause du temps, on était crevé de la veille et finalement on est allé à Périphérique Opening Night, il pleuvait des cordes, il faisait nuit, c’était apocalyptique, l’ambiance était très particulière, ça donnait vraiment quelque chose d’intense.
Est-ce que tu as découvert des choses en travaillant sur le festival ?
Je n’ai jamais écouté autant de musique que depuis que je suis en stage à Villette Sonique,
Qu’es-tu curieuse d’aller voir cette année ?
Entre autres, Princess Nokia, j’ai vu des images de son live au Trabendo, elle est complétement dingue sur scène. Il y a aussi Puce Mary que je suis depuis quelques temps, et Giant Swan qui promet une sacrée performance.
Puce Mary :
Est-ce qu’il y a des groupes/producteurs que tu suis que tu aimerais un jour voir programmer ?
J’aimerais bien voir le producteur Eszaid, qui a aussi le label Collapsing Market que suis pas mal, sur lequel on peut aussi trouver Norin.
Le soundcloud de Collapsing Market
Toute la programmation de Villette Sonique ici.
Visuel : (c) DR