Aujourd’hui dans Vitamine So, un morceau de Fela Kuti et Roy Ayers : « 2000 Blacks Got to Be Free ».
Sophie, Emmanuel Macron qui parle de Fela Kuti, du Shrine, de l’afrobeat, ça te fait un peu tomber des nues ?
Oui, comme nous tous ici ! Même si toute cette vidéo est une affaire de communication rondement menée, ça reste surprenant d’entendre un président de la République parler d’un haut lieu de la culture populaire, contestataire qui plus est. Avec plutôt les bons mots en plus.
Mais si on veut être précis, ce que Emmanuel Macron a un peu omis c’est le versant très politique de tout ça. Parce que Le Shrine, la discothèque créée par Fela Kuti comme laboratoire de l’afrobeat – ce style de musique entre la funk et le jazz, scandé par des percussions yorouba et chanté dans un pidgin des rues – le Shrine donc était un lieu de révoltes et d’engagements. Pas qu’un espace de fêtes enfumées et musicales.
D’ailleurs, la République qu’évoque Macron, c’est la République de Kalakuta, provenant du nom d’un immeuble juste à côté du Shrine dans lequel la mère de Fela, qui était une femme politique, féministe, engagée, s’installe en 1970. Fela va y emménager avec ses idéaux et sa tribu : faites de musiciens comme Tony Allen, de voyous, de marginaux, d’artistes, de militants. Autour de l’immeuble, poussent des centaines de baraquements et dans la maison, il y a du monde, une clinique gratuite, des fêtes sans fin, du sexe, des controverses. Fela est le roi de sa République, avec tout ce que cela implique d’excès et de folie. Musicalement ce sont des années fastes, entre 1975 et 1977, Fela et son groupe sortent 23 albums.
D’un point de vue politique, ce sont aussi et surtout des années radicales : Fela se sert de sa voix et de ses succès pour dénoncer clairement la corruption, le post colonialisme, la violence militaire et il devient l’ennemi du pouvoir. En 1977, Kalakuta est attaqué par l’armée nigériane. Les portes sont enfoncées, les hommes battus, les femmes violées, la mère de Fela jetée d’une fenêtre, et la maison brûlée.
Plus rien ne sera vraiment comme avant et l’engagement de Fela, lui, restera intact. Le Shrine lui vivra d’autres vies et finira par accueillir Macron des décennies plus tard.
Et tout ça m’a donné envie de jouer un titre que Fela Kuti compose avec Roy Ayers. Un morceau qui prospecte sur le futur et s’imagine qu’en l’an 2000 les hommes et les femmes noires seront libres.
C’est « 2000 Blacks Got to Be Free » qu’on écoute sur Nova.
Visuel « 2000 Blacks Got to Be Free »