Aujourd’hui dans Vitamine So, un morceau de Shuggie Otis qui… marmonne !
Sophie, ces petites bafouilles d’Olivier Faure, ça t’inspire quoi ?
Ça me donne envie de vous parler de Shuggie Otis et de vous prouver qu’on peut faire des choses brillantes même quand on marmonne un peu. Shuggie Otis c’est un musicien, un guitariste qui est né dans un monde de musique, puisque son père – Johnny Otis – était un compositeur et chef d’orchestre ultra réputé, un des parrains du rhythm & blues, qui recevait chez lui des pointures de la musique.
Alors Shuggie tout jeune veut imiter son père. À 2 ans, il se saisit d’une guitare, quelques années plus tard, il se met à composer, atterrit sur les disques du paternel et à même pas 18 ans sort un premier album de soul psyché.
Shuggie a vraiment un monde à lui, un langage et un phrasé qui ne ressemblent à ceux de personnes d’autres, et puis un goût pour les expérimentations sonores perchées et originales. Alors il se fait remarquer – par d’autres grands musiciens, des Frank Zappa, des David Bowie, des Rolling Stones qui veulent travailler avec lui. Notamment après la sortie en 1973 de l’album Inspiration Information, son chef-d’œuvre, pour lequel il s’émancipe de ce que son père lui a appris et va loin, dans l’introspection, le psychédélisme, l’utilisation de boite à rythme.
Ce disque est vraiment génial mais il ne marche pas. Sans doute que le public n’est pas prêt. Et petit à petit, Shuggie Otis commence à perdre confiance en lui. Peut-être parce que la figure paternelle au-dessus de lui est pesante, ou parce que souvent l’estime de soi n’est pas corrélée avec le talent. Alors ce disque sera son dernier.
Après ça, à partir de 21 ans, il quitte progressivement la scène. Il s’efface, ne sort plus de disque, collabore sur quelques projets et finalement pendant des décennies ne chantera plus jamais rien. Mais comme la vie est parfois douce, même avec un peu de retard, Shuggie Otis a fini par être redécouvert, réédité, célébré comme il aurait dû l’être.
Parmi les morceaux génial de ce disque, il y a un titre qu’on vous joue parfois sur Nova qui s’appelle « Aht Uh Mi Hed », ce qui veut dire “Out Of My Head” mais écrit en phonétique anglais. Un morceau qu’il a composé en pleine nuit, touché par la grâce. Et qui justement, dans ses paroles, essaie de mimer les phrases d’une personne qui parle dans son sommeil, qui marmonne des petites choses. Et c’est magnifique.
Visuel © Pochette « Aht Uh Mi Hed »