Aujourd’hui dans Vitamine So, le morceau « Bird’s Lament » par le compositeur hors normes Moondog
Chaque matin juste avant Alpha Beta Nova , Sophie Marchand met en musique l’actualité d’ Un Nova Jour Se Lève avec un morceau faisant lien avec l’information du jour.
Sophie vas-tu nous parler d’un Jean Marie Bigard de la musique ce matin ?
Au risque de vous décevoir non, parce que quitte à mettre en avant des artistes anti-système, aux modes de vie alternatifs, je préfère vous parler de gens qui sont sincères et qui le sont pour de vrai. Parmi ceux-là il y a un musicien qu’on a appelé le Viking, le Clochard Céleste, c’est Moondog.
Moondog c’était un compositeur peu ordinaire. Un homme devenu aveugle à 16 ans, qui a découvert la musique classique au conservatoire, qui s’est en même temps passionné pour le jazz, les musiques indiennes, les musiques caribéennes, les expériences atonales, la fabrication d’instrument, et qui jeune adulte a décidé de quitter sa ville pour se rendre à New York, avec quelques dollars en poches seulement.
C’est un peu pour ça qu’on l’appelle clochard céleste, comme le livre de Jack Kerouac. Parce qu’il a vécu dans les alentours de la 6ème avenue pendant des années, gardant le peu d’argent qu’il gagnait alors pour retranscrire ses partitions. Si son autre surnom c’est le Viking c’est tout simplement parce que très vite il va s’habiller comme un viking, avec une longue cape, une longue barbe et un casque à cornes. Ce sera sa tenue distinctive.
Très vite cet artiste ovni qui intrigue les passants, va passionner les musiciens. Il va être ami avec la beat generation, Janis Joplin va reprendre un de ses morceaux, Philipp Glass va l’héberger chez lui et lui présenter Steve Reich. Et ces deux pionniers du minimalisme diront d’ailleurs que Moondog est lui-même le vrai inventeur du genre. De façon générale, le nom de Moondog va commencer à fasciner à travers les Etats-Unis. Et en Europe, parce qu’il est mystérieux, taiseux, inclassable, qu’il compose énormément de mélodies, de symphonies, qu’il est mystique aussi, et qu’on a du mal à savoir de quel siècle ou de quelle planète il vient. Mais lui s’en fiche. La célébrité, la gloire, les grands concerts et les plateaux TV, ça ne lui fait aucune envie.
En 1974, Moondog, qui refuse toute stabilité, plaque le peu qu’il a et décide de se rendre en Allemagne, pour vivre sur les traces de Jean Sébastien Bach, de Beethoven, des grands compositeurs européens. Là, il fait une série de concerts très célèbres, rencontre des jeunes musiciens qui savent qu’il est un des plus grands compositeurs du 20ème siècle, et qui vont l’aider à joindre les deux bouts. Mais il revient souvent dans les rues de Francfort, Hambourg ou Recklinghausen, comme si c’était là, sur ces trottoirs qui n’appartiennent à personne qu’il se sentait le mieux.
Moondog est mort en 1999, et depuis son influence n’a fait que se répandre. Il est devenu culte, iconique. Il a été samplé, célébré, sa vie a été racontée. Alors que c’est presque ce contre quoi il a œuvré toute sa vie. Parce qu’il était sincèrement au dessus tout ça, déjà perché dans les cieux, dans le céleste. Parce qu’il savait que l’industrie du disque est incompatible avec les vrais génies, et parce que tout le monde n’est pas fait pour vivre dans la matrice.
Alors voilà, à Bigard je préfère ce genre de vies réellement en dehors du système, voici Moondog et son sublime Bird’s Lament.
Visuel © pochette de Moondog par Moondog