Aujourd’hui, une masterclass de storytelling par Big Boi et André 3000.
Sophie, comment illustrer musicalement cet art dangereux de la mise en scène politique ?
Avec un morceau qui a un vrai storytelling. Passez-moi l’expression anglaise, mais en français nous n’avons pas vraiment d’équivalent. Un morceau qui manie l’art du récit, de la mise en scène, qui s’écoute et s’entend comme on regarde un film, c’est-à-dire en créant des images et en déroulant un tel scénario qu’on a l’impression de vivre l’histoire et de la revivre chaque fois que résonne la première note.
Dans le rap, français, américain, anglais, sud-africain, c’est même une école à part. Certains rappeurs sont réputés justement parce qu’ils savent nous conter des histoires. On pense par exemple à Nas, Eminem, Oxmo Puccino, IAM, Slick Rick, The Notorious B.I.G.
Et puis à Outkast aussi. Le meilleur groupe d’Atlanta. Allez, je le dis, comme ça, de bon matin. En 1998, ce groupe de rap mythique a tout bonnement sorti le morceau “Da Art of Storytelling” qui, comme un bon film, se déroule en plusieurs parties. Il y a eu l’épisode 1, le 2, le retour, le remake. Dans la partie 1 il y a l’idée toute simple de raconter deux histoires parallèles, arrivées à chacun des rappeurs. Deux histoires qui n’ont rien à voir, la première, celle de Big Boi, est plutôt triviale et salace, celle d’André 3000 est plus sérieuse et douloureuse. Il n’empêche, les deux conteurs arrivent à créer une morale commune : le rap sert à dire des choses que l’on a sur le cœur, c’est moins cher qu’une consultation chez un psy et ça peut beaucoup aider. Et tant mieux s’il s’agit de se mettre en scène.
Vous allez voir c’est étrangement plus digeste que ce qu’on voit en boucle dans les médias ces jours-ci.