Aujourd’hui dans Vitamine So : le morceau d’introduction de l’album vengeur « Here My Dear » de Marvin Gaye
Chaque matin juste avant Alpha Beta Nova , Sophie Marchand met en musique l’actualité d’ Un Nova Jour Se Lève avec un morceau faisant lien avec l’information du jour.
Ce matin Sophie je crois que c’est l’esprit de contradiction de Cedric O qui t’a donné une idée musicale ?
Exactement. Vous savez Sarah Lou, Armel, en musique il y a une assez longue tradition de ce qu’on appelle depuis des diss tracks: des morceaux qui sont globalement composés et écrits pour contredire, attaquer, viser une personne en particulier. L’art du dissing, il est surtout répandu dans le rap. Il y a des MC, du genre Tupac, Notorious, Eminem, MC Jean Gabin qui se sont illustrés par le maniement de la plume rebelle, revêche et revancharde.
Mais évidemment il n’y a pas que dans le rap que des musiciens se sont servis de la musique pour régler leurs comptes, ou en tout cas dire les choses sans trop se préoccuper du qu’en dira-t-on à la Cedric O’. Et dans le genre, il y a Marvin Gaye.
En 1961, alors qu’il vient tout juste d’être repéré et recruté par la Motown, Marvin Gaye rencontre Anna Gordy, soeur de Berry Gordy le boss de ce label, la Motown. Ils se marient, et entre eux, ça marche, quelques années en tout cas. Puisqu’en 1975 Marvin et Anna veulent divorcer.
Pour plein de raisons, notamment parce qu’en quelques années, Marvin Gaye est devenue une immense star, brillantissimme mais qu’il est aussi volage, pas très sérieux, amoureux d’une autre femme, addict à la cocaïne. Et que son train de vie est tellement dispendieux, qu’il peine à payer la pension alimentaire que lui demande Anna.
Alors tout ça se règle au tribunal. Et comme Marvin Gaye à l’époque n’a pas de cash sur son compte, son avocat et le juge s’accordent sur un arrangement assez spécial : le chanteur s’engage à reverser, à vie, la moitié des bénéfices qu’il touchera sur son prochain album et l’avance qu’il a déjà reçu pour ce disque qu’il est alors en train de composer.
Et en 1978 sort l’album ; Here, My Dear. Littéralement, ça veut « Et Voilà chérie c’est pour toi », et c’est un album qui ne tourne qu’autour de son divorce, qui règle ses comptes avec le concept même de l’amour, qui évoque de manière clarissime sa vie privée avec Anna Gordy. Bref c’est un album dont le concept est globalement de faire rager son ex femme. Les morceaux s’appellent, je traduis, “J’ai rencontré une nana”, “rage”, “tu peux partir mais ça va te couter de l’argent”, “quand ai-je cessé de t’aimer”.
Forcément, la Motown n’apprécie pas et les brouilles commencent avec Marvin Gaye. Ses musiciens aussi sont vexés d’être pris à partie, Anna veut intenter un procès et surtout, le public ne comprend absolument pas ce qu’il a fait pour mériter ce disque si violemment personnel. Résultat : c’est un peu un fiasco, le disque ne se vend pas, la critique est gênée et Marvin Gaye est presque heureux puisque son ex femme n’en touchera que moins d’argent.
Mais si je vous en parle ce matin c’est que cet album il vaut mieux que ça, il vaut plus que ça. Au delà des intentions un peu fumeuses, ça reste un album de Marvin Gaye fouillé, audacieux, surprenant. Avec les années, il a fini par trouver son public. Et surtout il a prouvé à tout le monde que même lorsqu’il essaie de se saboter, Marvin Gaye n’y arrive pas vraiment.
On écoute son morceau d’introduction qui dit tout « Here My Dear », de Marvin Gaye, un peu un équivalent de « Mon Fils Ma Bataille » sur Nova.