Aujourd’hui dans Vitamine So, la reprise du « Sonnet d’Arvers » par Serge Gainsbourg
Chaque matin juste avant Alpha Beta Nova , Sophie Marchand met en musique l’actualité d’ Un Nova Jour Se Lève avec un morceau faisant lien avec l’information du jour.
Alors Arnaud Montebourg qui clash Julien Doré pour clasher Emmanuel Macron, est-ce que ça te donne envie de jouer de chansons d’emboucanneurs ?
Non, ça me donne plutôt envie de revenir sur la phrase même qu’il a employée, à propos d’emprunt, de recyclage, de déguisement. Parce que je sais pas si c’est le pire des reproches qu’on peut adresser à Macron, mais je sais qu’en musique, c’est un peu la base de beaucoup de choses réussies. Le sample, la citation musicale, la réinterprétation de standards, c’est ce par quoi la musique même se renouvelle. Et plutôt que de tenter une bancale leçon sur le droit d’auteur je voulais tout simplement vous parler de Serge Gainsbourg, qui n’a cessé de recycler et d’emprunter à d’autres musiciens.
Et aux classiques par exemple. C’est connu, mais toujours intéressant de s’en souvenir. Gainsbourg s’est beaucoup servi dans le répertoire classique, et s’est inspiré directement de sonates de Beethoven, de Brahms, de Chopin aussi très souvent, ou de Dvorak ! Ca lui a permis de composer quelques uns des plus beaux morceaux de la variété ou de la chanson française. Il s’est aussi servi de la Marseillaise, sans jamais dissimuler quoi que ce soit. Comme quoi l’emprunt si c’est bien fait c’est un succès.
Mais pour tout vous dire ce matin je voulais vous jouer un morceau qui est une autre forme d’appropriation, ou de réinterprétation qu’il s’est permise jeune en 1961. C’est l’époque de son album l’Etonnant Serge Gainsbourg, son troisième disque Où il y a interprète un sonnet : « Le Sonnet d’Arvers ».
Ce sonnet il a été écrit au 19ème siècle, et c’est un poème qui a fait couler beaucoup d’encre. Parce que si l’on sait qui l’a écrit, Felix Arvers, on ne sait pas à qui il l’adresse. Pourtant le poète décrit une femme unique, douce, et tendre qui n’a jamais su qu’elle était aimée, et qui, lisant même ce poème, ne pourrait deviner que l’on parle d’elle. C’est intrigant on comprend pourquoi il fait jazzer.
Quand ce sonnet sort, la presse, les mondains de l’époque veulent savoir à quelle femme il est dédié. Certains avancent qu’il s’agit de Madame Nodier, Madame Victor Hugo. D’autres vont dire qu’il ne s’agit de personne en vérité.
Ce qui est génial avec ce sonnet, c’est qu’il va aussi être moqué, parodié, réinventé. Par exemple, on va imaginer les réponses de la destinataire, qui se fera parfois très franche, parfois très infidèle, ou froide. Et après les pastiches littéraires, c’est en musique que ce morceau va devenir un succès car avant Gainsbourg, il a souvent été repris au 19ème siècle.
Et donc quand Gainsbourg le reprend, en 1961, il n’invente rien. Il recycle. Il se déguise même en poète d’un autre siècle. Mais comme il le fait bien, mieux que Macron qui imite Julien Doré, ou Julien Doré qui imite Macron on ne sait plus, et bien c’est un succès.