Cecil Beaton, chroniqueur et historien.
Cecil Beaton (1904 -1980) a été très connu comme photographe…de mode et aussi portraitiste de la cour d’Angleterre. Puis il a photographié toutes sortes de gens, au gré des époques et des modes. De magnifiques portraits.
Moins connu : il a dessiné des costumes pour le théâtre et le cinéma, notamment les tenues de « My Fair Lady » de Georges Cukor avec Audrey Hepburn et Rex Harrison
Encore moins connu : il a écrit un livre de souvenirs en 1955, et qui n’a jamais été réédité ! Les Éditions Séguier viennent de ressortir ce témoignage unique, préfacé par Christian Dior, avec des dessins de Cecil Beaton himself.
Initialement appelé « Glass of Fashion », le revoilà plus clairement titré « 50 ans d’élégance et d’Art de vivre. Celui qu’on appelait le « prince des photographes » s’y révèle un chroniqueur efficace, ultra pointu, avouant sa passion des détails, de la mode, analysant les évolutions mieux qu’un sociologue, et livrant des informations qu’aucun historien ne pourrait même comprendre.
Il n’y est question que de « futilités », d’apparences, de manières et d’anecdotes sur les élégantes et dandies du début du siècle aux années 50, avec tout ce que cela comporte de « Way of Life », cette vie mondaine des anciennes stars et people, que l’on appelait « Café Society ».
Défilés de femmes hors du commun, excentriques ou strictes, réinventant leur allure et dictant aux monde ce qui « allait se passer »… Avant-garde et caprices se mêlent à de vraies visions de la société, et à des inventions inimaginables, vouées à disparaître ou à influencer la vie moderne.
Seuls quelques stylistes uniques sont cités : Paul Poiret, Cristobal Balenciaga (le maître absolu), Molyneux , Elsa Schiaparelli, Coco Chanel … Car Sir Cecil Beaton se passionnait pour ces dames du demi-monde, ces « Cocottes »déraisonnables, artistes inspirées comme Cécile Sorel, Gaby Deslis, Forzane, Antelme, la marquise Cassati… Beaucoup de français et françaises, imbattables « sapeurs » !
Mais oui, la « sape » comme religion, comme arme, comme carte de visite, comme exercice d’excellence, ce fut l’Angleterre comme bastion des « basiques » (smoking, trench, tweed, whipcord, tartans, shetland…), mais la France comme royaume de la futilité, porté au sommet d’un artisanat d’Art et de qualité.
Le « goût » français, à la fois impertinent et ultra dosé, reconnu du « Harper’s Bazar » au « Vanity Fair » où Beaton publiait régulièrement. Car Sir Cecil connaissait les moindres ficelles du genre et décrit la mode comme un critique d’Art, et analyse les robes comme des toiles de maitre !
Bien sûr il y a du « Bling » à tout va, et des dépenses somptuaires dans ces souvenirs, mais aussi une grande lucidité sur la chute des ces élégants qui finissent ruinés…
Il y a des portraits saisissants de ladies de la belle époque réinventant leurs propres collections de mode, leur « look » personnel, inimitable, aux règles strictes et aux effets visuels si puissants que de nouvelles « silhouettes » naissent, jamais vues. Ces femmes aux allures de lampadaires, de crevettes géantes, parfois de lustres en cristal ont fasciné l’auteur, le photographe, le dessinateur, le costumier.
Comme un ensemblier, il finit par décrire leur cadre de vie, leurs intérieurs, et un chapitre de décoration ( ! ) clôt ce monument de bonnes et mauvaises manières, excessives mais souvent géniales.
C’est le livre d’une histoire secrète, inconnue, mais dont nous apercevons encore. Les effets aujourd’hui.
« 50 ans d’élégance et d’Art de vivre » par Cecil Beaton. Editions Séguier 2017.
Format 15 x 21 cm. 352 pages. 22 euros.
Visuel : (c) DR