Blain, Blutch, Bezian, la vague inattendue : les trois B frappent la BD.
Blain, Blutch et maintenant Bezian : des dessinateurs assez exceptionnels et aux succès variés … Blain couronné avec Quai d’Orsay, ventes et film, bref la totale. Blutch pas assez vu, avec notamment Pour en finir avec le cinéma.
Concernant Christophe Blain ses 2 tomes d’Isaac le pirate sont formidables. Blutch se révèle avec Pour en finir avec le cinéma..mais il avait fait Péplum.
Car il faut trier dans le tsunami des centaines de publications BD, pleines de sous produits, d’imitateurs… beaucoup de commercial lourdingue, mais aussi des masses d’historiettes pour ados attardés, et enfin des « cultureux » qui pensent qu’en racontant en BD un personnage célèbre – écrivain ou artiste -, on fait d’une pierre deux coups : jeune avec la BD, et respectable avec la culture… Hélas !
Je cherche à vous faire voir (ou revoir) ces dessinateurs réussis, surtout par leur choix, leur goût, une manière qu’ils ont d’être expressifs, solides comme du Jacques Tardi, encrés comme du Hugo Pratt ou enlevés et expressionnistes comme Jose Munoz (relire Alack Sinner, scénario de Sampayo.)
Revenons au dessin pur : Blain compose bien ses images, des visages ultra expressifs, des positions exactes et vivantes, Blutch au coup de pinceau épais et plein d’un charme de peintre ..voila pourquoi ils sont meilleurs à mes yeux.
Mais voici venir Bezian, physique de jeune premier et dessin virtuose avec Docteur Radar. Au scénar : Noel Simsolo, un pro du cinéma et une ambiance retro délicieuse, entre Arsène Lupin, et j’ai même eu un flash de l’Inhumaine, un film de Marcel Lherbier ! (1924, décors de Fernand Léger !)
Cette BD offre tous les cadrages, ombrages et éclairages possibles : contre plongée, plongée, plans ultra-larges ou américains, en biais, grand angle, mais surtout une expressivité à la GUS BOFFA (que tant de dessinateurs admirent).
Christophe Bezian fouille le trait avec une nervosité et une habileté rare, mais surtout une humanité et une efficacité qui se répète à chaque case. Bien sur, il caricature un peu et va loin dans l’expressionnisme, mais cela correspond au style de l’histoire rétro et décadente.
Moi qui ai creusé dans tous les styles de dessin afin d’en percer les secrets, qui ait usé des plumes jusqu’à leur disparition, pour passer au pinceau puis au toiles avant de revenir au dessin avec lavis et encres, je suis toujours ému par l’apparition de ces petits génies novateurs du croquis et davantage.
Ces mousquetaires qui fleurettent leurs feuilles blanches jusqu’à les faire vivre, qui caressent ou scarifient les planches avec tant d’ intuition, d’humanité, de vie… Ils sont pour moi les Daumier, Doré, Hokusai, Joseph Gillain, Jean Giraud ou quelques grands noms que vous voudrez… Il n’y a pas de classement chez les bons .
Ils sont là, tous côte à côte, multipliant les petits bonshommes, les ombres, les traits, les décors ou l’espace avec un peu d’encre et d’élégance.. Et forcément du cœur et du travail, de l’endurance et de la patience (oublions les mots amour et passion, piétinés aujourd’hui..)
Il y a beaucoup de nouveaux virtuoses en BD, mais très souvent ils sont dans l’ombre ou l’école d’un grand ( les suites de Jacobs, Uderzo, Hergé, Franquin etc)
Le dessin est le squelette de tous les arts, et le nerf de la guerre, et il faut des artistes très incisifs, novateurs et exigeants pour continuer à donner l’envie d’inventer aux nouveaux venus, qui sont tentés d’utiliser les ficelles et les effets déjà réussis.
Bezian est de ceux là.
Album Docteur RADAR tueur de savants par Simsolo et Bézian
- Chez GLENAT éditions . 65 pages couleur . 19 euros 50