Tour du monde des nouvelles danses. Pas de salon, de salauds
Dimanche 10 mars s’est tenu à Bercy le Juste Debout, grande messe internationale de la danse debout. Tournant autour de différents styles issus du breakdance mais influencés par toutes les saccades du monde, le Juste Debout réunit depuis plus de 10 ans une faune de danseurs de tous âges, tous sexes, dans une ambiance exceptionnelle, tant et si bien que le phénomène n’a cessé de grandir pour devenir aujourd’hui un rendez-vous incontournable de la scène danse.
L’occasion de vous proposer un tour du monde non exhaustif de quelques danse actuelles, d’Oakland à la Jamaïque en passant par l’Allemagne. Etant donné qu’il y a autant de danses qu’il existe de danseurs, la sélection est purement subjective.
TURF DANCE
A côté de San Francisco, il y a Oakland, berceau d’une danse qui nous a fait chavirer il y a 3 ans : le Turf Dancing. Rien à voir avec les chevaux et autres paris, cette danse est l’acronyme de « Taking Up Room in The Floor » (autrement dit faire sa place sur le bitume). Comme le popping, la Turf dance puise ses origines dans le Oakland Boogaloo apparu dans les années 60. Popularisée au milieu des années 2000, c’est une danse du block. A chaque quartier son style, le turf emprunte à plusieurs techniques car une de ses particularité est le storytelling.
Aussi, en turf, vous trouverez des lascars sur les pointes qui vous sourient comme des pantomimes. L’important est de raconter son block avec virtuosité et émotion. Des histoires dansées et souvent accompagnés de mouvements de caméra comme dans cette célèbre vidéo de turf dancers qui offre une ultime danse à leur pote Rich D sous la pluie. Superbe.
FOOT WORK
Le style né à Chicago a été popularisé par le clip Watch My Feet de Dude N Nem, groupe de « Chicago Juke » style de musique héritier de la ghetto house. En 2007, on découvre donc sur écran, cette danse à faire pâlir Fred Astaire et Gene Kelly réunis !
Le principe : de rapides mouvements de pieds accompagnés de twist et pirouette sur soi-même. Des pas si rapides que les danseurs donnent l’impression de ne plus toucher le sol… C’est parti pour la lévitation :
TWERK
Voilà une danse qui mérite son sticker « Parental Advisory EXplicit Content » ! Née dans les clubs de ceux qui sentent la sueur plus que l’aftershave… Le Twerk est une danse qui se focalise sur le booty, la figure ultime étant de réussir à désolidariser ses deux fesses. Entre danse et lapdance, sur le dancefloor, on rejoue la vie, on mime le sexe, on laisse son corps parler. La plus célèbre étant le clip de la rappeuse Lady « TWerk » qui a été vue par plus de 2 millions d’internautes (voir ci-dessous).
Proche d’une danse ivoirienne, le kuitata apparu en 2010, le Twerk a par ailleurs inspiré la dernière création du duo de chorégraphe contemporain Cécilia Bengolea et François Chaignaud « Altered Natives’ Say Yes To Another Excess – TWERK ».
HAKKEN
Comme le Gouda, la Heineken et l’Amnesia Haze, le Hakken est un pur produit des Bas-Pays, une spécialité locale née dans le giron de la scène hard-house rotterdamoise et qui, mondialisation oblige, a essaimé aux 4 coins de la planète, de l’Italie à l’Australie.
Cette danse, également appelée Hakkûh en néerlandais, tire son nom du verbe hakken qui signifie « hacher, tailler ». Une étymologie qui donne d’emblée le ton de cette danse coupée au couteau. Le Hakken se danse par petits pas successifs – petit pas, petit pas, petit pas – au rythme syncopé de techno hardcore, hardtech, hardstyle… du hard quoi… et du gros BPM (160 au minimum, 210 pour les plus énervés). Les bras servent surtout à garder l’équilibre, mais s’adonnent parfois à quelques incartades. Le Hakken descendrait, à ce titre, du Zapateo et d’autres danses folks européennes. Il s’inspirerait également du clip d’Out Of Space de Prodigy.
On l’aura compris, cette danse n’est pas destinée à tout le monde. Il faut avoir le cœur solide et les oreilles stoïques pour apprécier à sa juste valeur cette musique de gros dur, capable de vous plonger un papa skin dans une transe épileptique.
Les adeptes de ce jusqu’auboutisme musical et chorégraphique s’appellent les Gabbers. Quand ils n’achètent pas des Air Max (ils en sont friands) ou ne créent pas des blogs pour populariser leur subculture, ils se réunissent dans des techos de plus en plus officiels (hélas ?) et s’adonnent à des fusions collectives. En effet, le Hakken se danse en groupe et en rythme. Gare aux libres danseurs, le collectif veille au respect de l’orthodoxie.
Ces jeunes prolétaires mi skin mi zinzin, gavés à la techno hardcore, sont parfois “infiltrés” par des groupuscules nationalistes, mais heureusement tout le monde n’arbore pas de svastikas à leurs petites réunions.
En teuf, dans son salon, au milieu d’une friche indus, le Hakken se danse partout :
http://www.youtube.com/watch?v=g4f5jESfnGU
CYBERGOTH
Tu te rappelles de la tektonik ? Bah ya encore des gens qui pratiquent ça. En mieux même, puisque ce sont des gothiques. Attends, mieux : des gothiques allemands. Le cybergoth, c’est une sous-culture issue des mouvements goths, punk et rave. En fait, ce sont plus ou moins des gothiques qui sont à fopnt dans l’électro au détriment de Marilyn and friends. Donc tout en noir, ok, mais avec des cheveux fluo. Chelou.
Bien que le mouvement connaisse un renouveau en Allemagne, le terme voit le jour en Angleterre il y a bien longtemps, en 1988… pour un jeu vidéo de rôle, Dark Future ! On les associe parfois aux Gravers, le doux nom des Gothic Ravers…
HARLEM SHAKE ET LES DANSES VIRALES
Printemps 1993. Le single de « La Macarena » déferle sur les ondes françaises. Par chance, à cette époque, Youtube n’était pas encore né. On n’ose imaginer ce que serait devenu l’hymne estival si la plateforme avait propulsé son succès à vitesse grand V. Mais la passation de pouvoir s’est tout de même effectuée. Gangnam Style a largement repris le flambeau de la compote auditive en dépassant son milliard de vues sur Youtube.
Le point positif, c’est que tout le monde peut reprendre ce cataplasme musical à sa façon. Et même sur un mode révolutionnaire. L’artiste dissident chinois Ai Weiwei n’a pas tardé à parodier le clip de Psy, en octobre dernier. Vêtu d’une chemise rose, il y exhibait une paire de menottes en référence à ses démêlés avec la justice. Le fameux plasticien britannique Anish Kapoor livrait peu de temps après sa propre version, « Gangnam for Freedom » où il réunissait 250 amis du monde dans l’art pour danser ensemble.
Aujourd’hui, c’est le Harlem Shake qui frappe. La courte danse hard teck devient l’arme de protestation des Tunisiens et des Egyptiens contre l’extrémisme religieux. Un rassemblement s’est tenu à Tunis, devant le quartier général des Frères Musulmans ce 28 février sans créer de remous. En Syrie, un groupe de jeunes est allé jusqu’à caricaturer la guerre en proposant de « cesser la violence et danser le Harlem Shake ».
Preuve que l’on peut contester l’Etat rien qu’en dansant.
Best of des Harlem Shake du monde arabe en cliquant ici.
BONUS MISE A L’AMENDE