Découvrez Serge Poliakoff, et les expositions consacrées à son oeuvre.
Né en 1900 à Moscou, vingt ans plus tard à Paris, Poliakoff se retrouve à jouer de la guitare dans les cabarets russes avec son frère qui chante.
Et il lui faudra encore vingt années pour exprimer son vrai talent, la peinture… Et après la guerre, pour commencer à en vivre un peu.
Un demi siècle pour sortir de l’ombre, donc.
Je ne sais pas si on peut encore comprendre ces vies romantiques, bohèmes, aventureuses comme ces époques : les guerre, révolution, entre deux guerres, re-guerre mondiale, les réfugiés, immigrés, prisonniers…
Poliakoff est, comme son ami néerlandais Bram Van Velde, un « natural born painter », et donc un mystère. Ils alignent des traits, des couleurs, des surfaces, comme en tâtonnant et tout ça finit en une belle toile que l’on a envie d’accrocher chez soi, n’importe où.
La légende dit qu’il était si pauvre et que sa chambre à Paris si petite, qu’il devait sortir dans le couloir de l’immeuble et prendre assez de recul pour pouvoir voir sa toile d’ensemble, et la corriger.
Poliakoff ressemblait à un bon bourgeois, posé, élégant en costume croisé, on aurait presque dit un médecin, un banquier. Un peu rêveur, silencieux, romantique, en fait, malgré son élégance bourgeoise, il se foutait un peu de l’argent comme de l’avenir.
Et ça finit par se voir dans son travail : sans âge, sans modèle ou précurseur, avec de simple formes colorées, comme au hasard, il va devenir un des très grands abstraits, admiré, honoré, apprécié bien au delà de la France. Il ne sera naturalisé que vers 1960.
Il a connu tous les peintres bien sûr, il est plus proche de son compatriote Kandinsky, grand inventeur de l’abstrait, mais aussi de Delaunay, l’orphiste qui peint l’espace avec des cercles.
Toutes les avant-gardes en peinture lui sont passées sous le nez ; cubisme, dadaïsme, futurisme, surréalisme, Bauhaus, école de Vienne, constructivisme et suprématisme, d’un autre Russe : Malevitch.
Lui, il est plutôt le russe conservateur, planant, amoureux des icônes, de la musique (il aime Paul Klee, l’Allemand abstrait le plus musical)…
Poliakoff se définit en creux, en calme, il recommence éternellement la même toile, faite de surfaces presque géométriques, de même proportions avec des harmonies de couleurs incertaines.
Mais son dessin est fin, équilibré, apaisant. Il semble construit, mais dans l’espace, il flotte. Ces couleurs, on devrait dire ses tons, souvent rabattus de noir ou de blanc sont plus des vibrations que des couleurs.
Il procède par superpositions et même par corrections. Si une plage de couleur fait fausse note, il la recouvre, mais pas complètement : un orangé sur un noir qui transparait en dessous, un blanc nacré sur un bleu qui fait des marques entre les touches …
Avec ce système, il peut corriger, repeindre par dessus et même le « repenti »- qui ressort par en dessous -, lui sert d’équilibre. La simplicité, la pauvreté des moyens donne curieusement de la force à ses toiles.
Les collectionneurs adorent : c’est discret, élégant, ça va avec tout, le moderne et l’ancien, du bel abstrait silencieux et majestueux. Poliakoff donne ses lettres de noblesse à l’abstraction pure.
Il devient donc un historique, un maître. Avec lui, on pense aux icônes de son enfance, à la majesté des peintures religieuses, à la spiritualité qui refait surface en Occident en ces années soixante, à travers l’orientalisme, le bouddhisme, la méditation. Poliakoff, le sage.
Bien sûr sa peinture rassure, embellit, n’embête personne. Après les crises de l’art, voici les maîtres apaisés. Mais le talent est là, visible, énigmatique… Le truc sans paroles.
Regardez ses gouaches : plus petites, plus pâles, plus simples, encore plus dépouillées que les grandes huiles (peintes au couteau et moins fluides), elles sont encore plus frappantes.
On dirait des exercices d’enfants, faits à l’école avec la boite de couleurs et un méchant gros pinceau, et pourtant le résultat est grand, beau, profond : on peut donc réussir quelque chose avec presque rien.
La preuve par Poliakoff, l’orthodoxe.
« Serge Poliakoff – Gouaches » au Musée Maillol (fondation Dina Vierny)
- 59-61, rue de Grenelle. 75007. Paris .
- Du 18 Septembre 2013 au 9 fevrier 2014.
« Poliakoff, le rêve des formes » au Musée d’art Moderne .
- 11, avenue du President Wilson . 75008
- Du 18 octobre 2013 au 23 fevrier 2014
- Un catalogue, largement illustré et édité par Paris-Musées, est publié à cette occasion. Prix : 35 euros.