Une plongée dans l’œuvre – la vie – de Wally Badarou.
La nuit tombe. Il est peut-être 19 h, l’heure à laquelle vous écoutez d’habitude le Nova Club. Mais on sait que vous avez juste oublié vos écouteurs, on ne vous en tient pas rigueur. Vous continuez à marcher le long du trottoir. Vous vous engouffrez dans le premier bar venu.
«I wanna know what love isssss
I want you to show me»
Ah oui, c’est ça de rater le Nova Club. Les douces harmonies des fans de karaoké (soirée à thème apparemment) font vibrer vos tympans. Heureusement que vous êtes en train de lire ce superbe article parce qu’on vous propose de mêler l’utile à l’agréable (?) avec une anecdote sur le son qui passe.
En général, on se souvient moins de l’intro. Mais lorsque le refrain détonne, nos poils se hérissent et comme dans ce bar, les premiers se mettent à entamer plus ou moins bien les paroles.
Cet entrain, les producteurs de « I Want to Know What Love Is » du groupe britannique Foreigner l’ont immédiatement remarqué. Ils ne savaient initialement pas dans quoi ils s’embarquaient. Finalement : un million de dollars, des réenregistrements au moment du mixage et en tout, un an pour sortir l’album de ses studios de New York. Dans le casting monstrueux de ce tube qui devait compter Trevor Horn, il ne faut pas passer à côté de son homme de l’ombre : le compositeur, claviériste et maitre de la console de studio, Wally Badarou.
Cette anecdote donc, c’est celle d’un homme qui a tout fait — tout simplement. Depuis la fin des années 70 et son premier coup de foudre dans une cabine des studios, il a travaillé avec toute la sono mondiale.
Au côté de Daniel Van Garde et des Gibson Brothers, il a fait ses premiers pas à l’assaut d’une carrière jonchée de tubes. Une rencontre improbable, pour la BO d’un film rose, lui a ouvert les portes de l’international avec “Pop Muzik” du groupe britannique M — rien à voir avec Matthieu Chedid, bien sûr.
Au début des années 80, il croise le chemin de Chris Blackwell. Le fondateur d’Island Records décide de faire un pari fou : produire un album de Grace Jones loin de la disco qu’on lui connaissait, accompagné de Robbie Shakespeare et Sly Dunbar — initialement de formation reggae. Il prend dans sa valise tout le monde : direction Nassau Bahamas.
Arrivé sur place, Wally Badarou ne trainera pas entre deux chemisettes sales. Il rejoindra le casting All star des mythiques Studios Compass Point : Alex Sadkin, Barry Reynolds, Mikey Chung, Uziah “Sticky” Thompson, Sly Dunbar et Robbie Shakespear. Là-bas, il enregistrera au côté des plus grands. Grace Jones, Gwen Guthrie, Tom Tom Club, Mick Jagger ou Gregory Isaac auront eu la chance de compter sur ce génie du clavier et de l’arrangement.
“L’ambiance décontractée des Bahamas, ce n’était pas mon truc”
Malgré tout, il restera 14 ans dans cet incubateur des plus grands albums. Sa carrière ne se contente toutefois pas uniquement de cette aventure avec Island Records. Il a joué aussi pour Robert Palmer, Herbie Hancock, Talking Heads, Manu Dibango ou encore Miriam Makeba.
Fou des consoles de studios, il produira — entre autres — certains albums de Fela Kuti, Salif Keita, Wasis Diop. Parallèlement, il poursuit ses projets pour Level 42, un groupe de jazz-funk monté à la suite de “Pop Musik” avec Mark King et les frères Gould.
Et puis, histoire de ne pas trop s’ennuyer, il a sorti quelques musiques sous son nom, des pépites que vous retrouvez juste ici :
Les lignes de son CV sont bien trop longues pour les faire rentrer dans une page. On vous conseille de finir votre verre, de sortir du bar et d’écouter les anecdotes les plus croustillantes de cette légende passée dans le Nova Club.