Cette semaine, notre hymne est aussi évident qu’une comptine pour enfant, aussi efficace qu’un rap pas trop compliqué, et aussi entêtant qu’un classique de la pop.
Toutes les semaines dans Bam Bam, Sophie Marchand et Jean Morel vous proposent l’hymne d’un week-end.
Et cette semaine, notre hymne est aussi évident qu’une comptine pour enfant, aussi efficace qu’un rap pas trop compliqué, et aussi entêtant qu’un classique de la pop. Cette semaine, notre hymne s’appelle « Wordy Rappinghood » du Tom Tom Club.
L’histoire du duo Tom Tom Club s’écrit en parallèle d’un autre groupe hyper fameux, les Talkings Heads. En 1974, Tina Weymouth, David Byrne et Chris Frantz se rencontrent en école de design, et décident de faire de la musique ensemble. C’est une bonne idée, et une réussite : trois ans plus tard sort leur premier album, et le groupe va enchaîner jusqu’en 1980 les disques qui se font remarquer par la critique, puis par le public, et finalement par un certain Brian Eno, qui devient quasiment un membre à part entière du groupe. Eno exerce sur David Byrne une aura certaine, et cela ne plait pas à tout le monde.
Tina et Chris, qui se sont mis en couple, en ont un peu marre du côté rock star sous influence de David Byrne, et on envie de faire de la musique de leur côté. Et la chance qu’ils ont c’est qu’un certain Chris Blackwell, qui est le plus grand parrain de la musique jamaïcaine, les a remarqués. Au point de les inviter, tous les deux, au Studio Compass Point – à Nassau aux Bahamas – un lieu mythique où ont enregistré Grace Jones, les Stones, Gainsbourg, Brian Ferry ou Björk.
Dans ce studio de Nassau, Tina, qui est censée écrire les paroles, est prise d’une certaine panique. Elle ne sait pas quoi raconter, elle est certaine de ne pas savoir chanter – bref c’est un peu l’angoisse. Surtout que Chris Blackwell leur a dit : « écrivez un premier hit, et s’il me plait, je vous fais enregistrer un album ». En manque total d’inspiration, elle décide d’écrire, non pas de la pop, mais un certain type d’écriture qui commence à marcher aux États-Unis : du rap. Comme le nom de la chanson l’indique, elle décide de rapper à sa manière son angoisse des mots qui servent à tout et à rien. Et pour ce qui est du refrain, ce moment un peu enfantin – « A Ram Sam Sam » – elle est allée chercher encore plus loin : dans ses souvenirs d’enfance.
Tina Weymouth, par sa mère, est française, et a souvent passé des vacances ici. Or, parmi les comptines qu’elle entendait petite, il y en a une qui s’appelle justement « A Ram Sam Sam », et qui est en fait un canon très populaire au Maroc.
Après le Maroc, cette chansonnette a été reprise en Hollande, en Turquie, et puis samplée – avant Tom Tom Club – par plein de groupes, genre les Sipinners en 1964. Mais c’est un souvenir francophone et une réminiscence qui a hanté Tina Weymouth, au point que c’est la première chose qu’elle a eu envie de chanter quand elle a monté son groupe. Après ça, Tom Tom Club a fait plein de tubes – dont le « Genius of Love » mille fois samplé – mais comme quoi face à l’angoisse de la page blanche, il faut souvent fouiller ses souvenirs d’enfance. On écoute donc le « Wordy Rappinghood », tube de 1981.
Bam Bam, c’est le Bureau des Affaires Musicales de Radio Nova, animé par Sophie Marchand et Jean Morel, du lundi au vendredi sur Nova.
Visuel © Wordy Rappinghood du Tom Tom Club