Retour de Bruxelles où la danse s’expose.
Photo : rehearsals for Work/Travail/Arbeid at WIELS, Brussels, August 2014 © Anne Van Aerschot
Anne-Teresa de Keersmaeker – à ne pas confondre avec Aimé de Mesmaeker qui tente desespérement de signer un contrat avec les éditions Dupuis – est une grande chorégraphe belge-flamande et mondiale, dont les pièces ont fait le tour du monde et plutôt deux fois qu’une.
Au centre de ses réflexions chorégraphiques, on trouve le lien entre danse, musique et temps, et c’est tout particulièrement palpable dans l’exposition qu’elle a mise en place au Wiels, à Bruxelles, centre d’art contemporain qui ressemble peu ou pas à une scène classique.
Ça n’en est d’ailleurs pas une, et la pièce de Anne Teresa Work/Travail/Arbeid est avant tout – l’artiste le défend avec vigueur – une exposition qui reprend les codes de l’exposition, pas ceux de la performance ou de la pièce chorégraphiques, mais bien ceux de l’exposition temporaire.
Pour cela, elle a étiré, distendu au maximum, la chorégraphie de sa précédente pièce qui posait avec une pertinence aujourd’hui renouvelée la question du temps : Vortex Temporum. L’idée de la chorégraphe est la suivante :
Quand on ouvre la porte de l’exposition, quelque soit l’heure de la journée, les danseurs effectuent la chorégraphie, millimétrée, en continue, et évoluent dans les salles d’exposition, accompagnés par des musiciens qui eux aussi bougent (même le piano se déplacent de pièce en pièce). On arrive dans un mouvement continu qui nous a précédé et nous survivra, qui est dansée quoiqu’il arrive, qu’il y ait des visiteurs ou pas.
Le résultat est étonnant, il oblige le visiteur à rester concentré, sous peine d’une collision violente avec un(e) danseur(se) en transe (piration) et surtout à trouver sa place. Il est dans une exposition, il est donc sensé déambuler, ce qui implique de réussir à s’imposer dans le cercle des danseurs, qui connaissent la chorégraphie sur le bout des corps, et qui tentent au maximum de lui rester fidèle. Ce ne sera pas forcément évident dans les neuf semaines à venir, notamment si on imagine des classes d’enfants en bas âge en goguette dans le Wiels.
Pour les danseurs surtout (qui font partie de la compagnie de la chorégraphe Rosas) le défi est colossal : danser sept heures par jour, neuf semaines de suite, sans public parfois, ou avec un public qui peut -doit- gêner l’évolution de la chorégraphie. Dépourvus d’alarme, ils seront peut-être même la proie des visiteurs les plus facétieux.
L’interêt résidera en tout cas justement là : Si ceux qui regardent se contentent de regarder de loin, en respectant trop l’espace vital des danseurs, l’expo perdra de sa saveur et de sa pertinence.
Work/Travail/Arbeid de Anne Teresa de Keersmaeker A voir au Wiels, à Bruxelles, Jusqu’au 17 mai.
Et si vous y êtes entre le 8 et le 17 mai, ne ratez pas la programmation du KunstenFestivaldesArts ou Kfda pour les intimes, qui est richerichericheriche, riche.