Des albums, il en sort désormais 2520 par semaine (chiffre approximatif). Pour vous aider à faire le tri, voici la sélection hebdo de Radio Nova des albums à ne pas louper.
Yaeji, With a Hammer (XL Recordings LTD)
Largement plus pop et avec l’usage d’un coréen toujours plus présent, Yaeji propose, avec son nouvel album With a Hammer, le nouvel épisode d’une house mondialisée qui ne passerait plus forcément que par New York mais ferait un détour par Séoul, la mégalopole sud-coréenne qui ne se contente plus de regarder l’ami américain d’un œil doucement envieux. Les morceaux “Done (Let’s get it)”, “Ready or not” ou “Happy” témoignent, eux, d’une musique qui n’a plus la piste de danse pour obsession mais aussi la piste de chambre, là où cette productrice, chanteuse et DJ peut aussi exprimer son attirance pour ces morceaux que les magazines spécialisés nomment désormais “hyperpop” (le track “Michin” !) et que d’autres pourraient appeler “hypersensibles”. Bref la palette, pour Yaeji, semble à chaque étape s’élargir et continue de faire d’elle l’une des artistes, dorénavant rangée au rayon “pop alternative” chez vos disquaires, l’une des plus intéressantes de sa génération.
Thomas Bangalter, Mythologies (Parlophone Records)
« J’ai eu très tôt le privilège de voir et d’entendre 20 minutes des premières esquisses qui laissaient augurer le meilleur et donnaient déjà le ton. Thomas Bangalter avait rompu avec l’électronique, il faisait du symphonique. » résume aux Inrocks Romain Dumas, chef d’orchestre aux manettes d’un opéra écrit par le chorégraphe Angelin Preljocaj et interprété par l’Orchestre National de Bordeaux Aquitaine. Pour l’ex-moitié de Daft Punk — qui s’est officiellement séparé en 2021, pour ceux qui vivaient alors sur l’Interstella 5555 — l’occasion était belle de mettre de côté les casques et les tubes en rafale d’une expérience qui aura, au total, duré… près de 30 ans. Dans Mythologies, dont la trame vogue d’Aphrodite à Icare, Thomas ne fait donc plus du Daft mais du Bangalter, que l’on découvre, alors qu’il avait carte blanche, désormais davantage branché par les partitions symphoniques que par les productions électroniques. Partitions desquelles ont émergé le second opéra de la vie de Bangalter — Interstella 5555, avec Matsumoto, quoi que space, en était un aussi — ainsi que les premières notes, pour ce nom que l’on associera désormais plus seulement à la pop ou aux musiques électroniques, d’une nouvelle mythologie.
High Season (Chloé Thévenin & Ben Shemie), The Call (Permanent Vacations)
Dans le Paris des années 2000 (celui du feu Pulp, du Rex, de la techno qui fait danser Paris et se forger les communautés en marge), émergea Chloé, devenue entre-temps bien plus que la DJ d’une techno qui clube, mais la productrice d’une techno qui pense, qui transcende, qui boucle. Dans le Montréal des années 2010, dans les basques de Constellations Records ou de Secretly Canadian, émergea Ben Shemie à la tête de Suuns, projet de rock noisy, psyché, kraut, technoïde, transcendé, fait de boucles interminables et des convulsions vocales de son chanteur et leader. En 2017, Chloé et Ben collaborèrent pour la première fois sur l’album solo de la Française, et cette rencontre donna « Recall », l’un des morceaux les plus forts (avec le crépusculaire « The Dawn ») du disque Endless Revisions. En 2023, revoilà le duo embarqué sous un nom d’album évocateur, The Call, comme une manière de formuler l’attraction évidente entre les sons de ces deux grandes figures des musiques alternatives francophones qui forment ensemble dix morceaux pour danser dans le noir, les muscles relâchés, le cerveau qui continue à fonctionner mais qui le fait en pilote-automatique, voguant du béton au plafond. Un trip ultra-créatif, instinctif et spontané.
Dom La Nena, Leon (Sabia)
Autre duo immanquable de la semaine, celui formé par Dom La Nena et par Leon, qui n’est autre que le surnom de… son violoncelle. Dans ce quatrième album qui paraît deux ans après le très remarqué Tempo (2021), la Brésilienne engage un dialogue intime, intense et instrumental avec cet instrument qui l’a toujours portée. Elle se concentre, lit-on, sur « sa matière, ses textures, ses nuances, sa capacité à créer des mondes et à les habiter ». Une histoire d’amour qui finira forcément bien puisque entre la musicienne et l’instrument, il n’y a en réalité qu’une seule et même personne. Celle d’une artiste qui aime et d’un instrument qui formule cet amour.
Moodoïd, PrimaDonna vol. 2 (Because Music)
Proposer une chanson pop… avec un twist. Voilà la visée de la collection PrimaDonna, la série d’EP défendue par Pablo Padovani et son projet Moodoïd, dont le deuxième volet sort aujourd’hui. Après des featurings avec Juliette Armanet, Say Lou Lou ou Melody’s Echo Chamber, le musicien, chanteur et réal s’entoure cette fois de l’Espagnole DORA, de la Japonaise ZOMBIE-CHANG ou de la franco-finlandaise « Prudence » Olivia Merilahti (chanteuse de The Do) pour un disque où la pop se fait discoïde, funk, psyché. Infernale, aussi, avec le climax de l’EP, « Lucifer », pacte avec une entité diabolique dont il faut se rappeler qu’avant d’habiter les enfers, elle habitait les cieux.