Une bonne comédie sociale qui désintègre les clichés sur l’intégration de l’immigration arabe en France.
Il faudra peut-être finir par se pencher sur l’un des traits de caractère les plus ancrés de la comédie à la française, cette inclinaison pour les sujets de société, ce besoin de partir du réel pour faire rire. Ailleurs il y a des Ken Loach, des Ashgar Farhadi et d’autres qui racontent les failles du modèle social en prenant le parti pris de drame domestique, ici on chronique depuis des décennies l’époque en cours par la poilade. Le panorama est large, de l’orfèvrerie d’un Francis Veber ou d’un Pierre Salvadori à la bienveillance bon enfant d’un Dany Boon, mais il existe à l’intérieur de cette sphère, une bulle plus particulière, où l’humour se teinte de politique. Parfois en bottant en touche – on va pas dire que les Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? Énorme carton de ces dernières années revendiquent pleinement, sauf par la présence de Christian Clavier, d’être des comédies de droite – mais aussi en l’assumant pleinement. Ainsi de Baya Kasmi et Michel Leclerc, ne cachant pas faire un cinéma de gauche. Parfois c’est l’un qui réalise, parfois c’est l’autre, mais généralement les deux co-écrivent des films singuliers quand, du Nom des gens au plus récent Les goûts et les couleurs , ils interrogent le poids du social sur l’intime. Youssef Salem a du succès marque cependant un nouvelle étape en inversant cette doxa.
Soit le parcours de Youssef, français pas de souche, écrivain anonyme qui devient connu du jour au lendemain en décrochant le Goncourt avec un roman qui n’en est pas vraiment un, puisque très inspiré par sa famille d’origine algérienne. Sauf qu’il n’a jamais prévenu sœurs, frère ou parents de sa rédaction. Devant la trouille que cette fiction provoque des frictions, il va tout faire pour cacher son existence. Voilà pour les mécanismes usuels de quiproquos. Youssef Salem a du succès est plus interessant quand il ouvre des portes généralement dérobées dans le cinéma grand public français plutôt que de les faire claquer. Kasmi et Leclerc mettent volontairement les pieds dans le plat pour s’attaquer à la question de l’intégration, mais surtout des clichés d’un discours médiatique et politique, qui parle et pense souvent à la place de cette descendance d’immigrés. Youssef Salem a du succès remet les pendules à l’heure en s’attaquant à la crise d’identité d’un écrivain coincé entre son cercle familial et celui de la célébrité, mais pour aller vers un universalisme quand il explore en fait la difficulté de grandir, de s’émanciper, de devenir pleinement soi. Sans renoncer à remettre en question la représentation et la place des arabes dans la France actuelle comme dans son cinéma grand public, Kasmi et Leclerc délestent intelligemment ce personnage de ce poids en en le rapprochant sans cesse d’un quadragénaire ordinaire qui n’a toujours rien réglé, de son rapport à la sexualité à sa trouille de ne pas être un bon fils faute d’avoir psychanalytiquement tué le père. A la toute fin, une très jolie pirouette lui rappellera qu’il est loin d’avoir écrit le point final de son histoire. Même avec certaines longueurs ou insistances, Youssef Salem a du succès a, lui, au minimum, le mérite de faire avancer celle de la comédie de mœurs contemporaine.
En salles le 18 janvier