Dans Néo Géo, Véronique Mortaigne fait le portait de l’auteure anglaise d’origine jamaïcaine.
Dans Néo Géo, Véronique Mortaigne fait le portait de Zadie Smith, écrivaine anglaise de mère jamaïcaine qui publie Swing Time, roman d’apprentissage sur deux jeunes danseuses métisses, et un essai, Feel free, écrit aux États-Unis pendant les années Obama.
Premièrement, Zadie Smith est une artiste précoce. Quand, en 2000, elle publie Sourire de loup, son premier roman, elle a 24 ans. Ce sourire carnassier est une plongée dans le West End londonien, avec ses familles multiples, les Iqbal, venus du Bangladesh, les Chalfen, intellectuels anglais d’origine juive, les Jones-Bowden, issus d’un mariage mixte anglo-jamaïcain, comme elle-même.
Elle étrille les bases colonialistes de la société anglaise avec un mordant désabusé. Elle remet le métissage au centre du jeu dans un style jeune, cultivé, polyphonique. Sitôt fait, Zadie Smith devient une star de l’écriture.
Après tout, il y a sans doute plus de femmes dans le monde qui ont la tête couverte que l’inverse. Et j’aime bien être des leurs.
Portant jeans et boots, elle est, comme on dit aujourd’hui, disruptive. Son drapeau, c’est un turban, placé sur la chevelure afro, au début pour gagner du temps le matin, dit-elle, puis devenu, je cite, « un salut aux ancêtres africains. Après tout, il y a sans doute plus de femmes dans le monde qui ont la tête couverte que l’inverse. Et j’aime bien être des leurs ».
Tâches de rousseurs sur peau ambrée, Zadie Smith a aujourd’hui 42 ans. Elle vit entre Queens Park à Londres et les États-Unis, où elle enseigne le creative writing à la New York University, avec son époux, l’écrivain irlandais Nick Laird. En 2018, a paru son cinquième roman, Swing Time.
Le livre met en scène l’amitié de deux jeunes métisses londoniennes – fans de Fred Astaire et Ginger Rogers – l’une danse, très bien, et rate sa vie, l’autre devient l’assistante personnelle d’une exigeante pop-star, Aimee, qui monte un projet humanitaire fumeux en Afrique, et tout part en vrille.
La question posée par Zadie Smith est celle de l’identité. Féministe, touchée très jeune par la grâce de Virginia Woolf, elle explore une « interrogation universelle », selon elle : « De qui es-tu davantage l’enfant ? » Dans son cas, du blanc, du noir ? De l’Angleterre, de la Jamaïque ? « Je suis convaincue qu’il y a une attente génétique de similarité ». Si la couleur est différente des parents, « ce n’est ni un problème ni une tragédie, mais c’est différent. Et cette différence-là m’intéresse. »
Mère de deux enfants, Zadie Smith est attentive au monde, dont elle relie les contraires en attaquant par la bande. Ainsi, elle considère ainsi qu’être née en 1975 en Angleterre, « c’est un peu avoir gagné à la loterie de la vie ». Effectivement, explique-t-elle, elle aurait pu naître en 1760 en Afrique occidentale, quand des Européens capturaient des Noirs. Elle répète cependant qu’elle n’a aucun talent pour la politique.
Le Brexit, Prince, et les peintres de la Renaissance
Zadie Smith publie des essais, comme, en 2018, ce Feel Free, écrit aux États-Unis pendant les années Obama, un hymne à la versatilité positive. Tout y passe, avec science : Prince, les peintres de la Renaissance, Nigel Farage, artisan d’un Brexit qu’elle exècre, dont elle a tenu le journal dans le New York Review of Books. Elle tient chronique dans le New Yorker, discute le mouvement Black Live Maters, ou encore l’appropriation culturelle, qui élargit le champ de l’identité au collectif.
Quand au milieu de ces interrogations interculturelles, son mari, irlandais depuis six cents ans, découvre qu’il n’est plus lui-même mais « un homme blanc », elle répond : « la seule chose qui identifie les gens, c’est leur nom : je suis une Zadie ».
Néo Géo, c’est en podcast.
Visuel (c) Getty Images / Tomos Brangwyn