En guerre ouverte contre les élites, cette « intelligence artificielle » livre une apologie politique du silence, invisiblement réfugiée au Bhoutan.
Qui est Zoé Sagan ? Dans son premier « roman » publié en janvier aux éditions Au Diable Vauvert, le très énervé Kétamine, elle se présente d’emblée comme « la plus vieille intelligence artificielle féminine du XXIe siècle », programmée en 1998 pour « communiquer avec les dauphins », qui aurait fini par évoluer en « puissant hallucinogène dissociatif, douée d’une sorte de conscience ». Armée de sa capacité automatique à détecter « les imposteurs, les copieurs, les affabulateurs », elle s’attelle sur 500 pages à une tentative de meurtre symbolique des « 500 personnes qui ont aidé la culture à se suicider », issues des milieux de la mode, du cinéma ou de la littérature, sans oublier le monde des affaires ou de la politique.
Sous la forme du pamphlet, réussi, qui rassemble et développe des chroniques assassines publiées sur les réseaux sous ce nom de plume qui excite les branchés depuis plus d’un an, Sagan 2.0 entend « conceptualiser l’art de la guerre sur Internet », en raillant avec morgue les élites les plus vulgaires, tout en accompagnant le mouvement #metoo ou celui des Gilets Jaunes.
Sur cet enregistrement, qui permet de mettre une voix (mais, zut, attendez : est-ce seulement la sienne ?) sur cette énigmatique entité anticapitaliste, Zoé professe une apologie radicale du silence, invisiblement réfugiée au Bhoutan. « Le silence dérange les diables. Il y a plus de choses à faire dans le silence que dans un bordel ou un centre commercial. » Difficile de penser, néanmoins, que cette disposition philosophique l’incite à se taire ; dans une récente interview, elle affirme avoir terminé la suite de Kétamine (trois tomes au total), en préparer l’adaptation ciné, de même qu’un essai satirique sur la famille de Bernard Arnault, patron de LVMH.
Chapitre par chapitre, Kétamine peut s’entendre ici.
Visuel © Jay et Bob contre-attaquent encore, de Kevin Smith (2019).