Un documentaire du média Pan African Music tend le micro à ceux qui pratiquent, transmettent et modernisent le stambeli, rituel sonore qui trouve ses racines en Afrique sub-saharienne.
Des sanctuaires de Tunis aux clubs électroniques de Lyon, le sambeli a traversé la mer et les générations. Un documentaire disponible sur la chaine Youtube du média Pan African Music, retrace les origines de ce culte tunisien créé par les esclaves subsahariens déportés en Tunisie et que l’on peut entendre aujourd’hui dans les musiques actuelles.
Le yenna et l’arîfa
Pour réaliser ce documentaire, les journalistes de PAM sont allés à la rencontre de ceux qui pratiquent le stambeli et en transmettent l’usage. La caméra nous embarque de prime abord au cœur du sanctuaire Sidi Ali Lasmar à Tunis, pour suivre une cérémonie de stambeli, et découvrir de deux éléments essentiels à la mise en place de ce rituel, le yenna et l’arîfa.
Le yenna est celui qui manie le guembri, instrument à cordes dont les basses donnent le rythme pour rentrer en transe. Ici, il est manié par Lotfi Karnef, yenna à Sidi Ali Lasmar qui doit maintenir la cadence qui fait danser les esprits tandis que l’arîfa, endosse le rôle de médium et tente de les contacter. Le stambeli est aussi un rituel thérapeutique. L’arîfa doit identifier le mal que les sujets du rituel sont venus soigner, et c’est lui qui sait à quel esprit s’adresser selon le mal repéré. Dans le documentaire, on revient aux origines de ce savoir, alors qu’on suit l’arîfa Riadh Ezzawech, qui mène un pèlerinage vers le sanctuaire de Sidi Ali Al Mekki, lieu dédié aux saints du stambeli.
Ce savoir est dense, et sa transmission est essentielle à la survie du rite. Un héritage oral dont la survie est menacée par le rachat du sanctuaire de Sidi Ali Lasmar, le seul endroit dédié au stambeli dans la médina de Tunis. Riadh Ezzawech lutte pour préserver ce patrimoine culturel et s’interroge sur le rôle de l’arîfa dans une société moderne. Comment transmettre ces croyances aux générations futures ?
Stambeli électronique
La question de la transmission et de la modernisation du stambeli est abordée dans la troisième partie du film lorsque les micros de PAM partent à la rencontre du label tunisiano-francais Shouka, basé à Lyon, qui mélange sonorités issues de rituels stambeli et méthodes de productions modernes dans des shows live. Amine Mettani, musicien fondateur du groupe, est d’ailleurs parti en quête pour revenir aux origines du sambeli et en comprendre l’essence. Le jeune artiste fait donc le lien entre culture club et rituels ancestraux. La répétition des cadences et les sonorités qu’il convoque avec son collectif lors de leurs performances sur scène appellent, elles aussi, à la transe.
Sur leur label Shouka, ils regroupent d’autres artistes aussi qui emprunte cette même passerelle entre le stambeli et la production électronique moderne, à l’image de l’EP Super Stambeli d’Ammar 808 et Belhassen Mihoub. Le label Shouka n’est pas un exemple isolé, d’autres esprits dans la scène électronique actuelle s’empare de la rythmique du stambeli, comme la productrice Azu Tiwaline dans son projet Draw Me A Silence.
Si vous voulez une initiation plus complète au rituel Stambeli, rendez-vous sur la chaine YouTube de Pan African Music pour regarder les trois épisodes de Stambeli, dernière danse des esprits, un documentaire réalisé par Théophile Pillault et Augustin Le Gall. Ce film sera diffusé samedi à Lyon au cinéma Comoedia dans le cadre des Nuits sonores, et le collectif Shouka jouera pour la Nuit 4 du festival.