Conversation croisée avec deux romancières françaises qui, chacune à leur façon, signent en cette rentrée un récit semi-autobiographique sur la fuite « violente et désirable » et nos identités multiples. Sans oublier Catastrophe, en live !
« Je me disais que la vie était joyeuse, que c’était bon d’avoir vingt-trois ans, un appétit immense et un corps pour l’assouvir », clame cette photographe qui vient de faire l’amour – de « s’empoigner sans cérémonie » – derrière une porte cochère puis « sur la moquette érodée d’un escalier » avec un inconnu « poli et obscène » rencontré dans une librairie. « Le désir légitime tout », pour celle qui a « fui à Paris » au milieu de la nuit et dont les parents l’avaient promise, à quinze ans, en banlieue de Cherbourg, au fils d’un couple d’amis vietnamiens ; une femme affranchie des hiérarchies familiales, qui « détourna le lit du fleuve » comme d’autres membres de sa lignée d’ailleurs, ce qu’elle comprendra lors d’un séjour au Laos pour les funérailles de sa grand-mère. Publié cette rentrée aux éditions Actes Sud, L’Imprudence est le premier roman semi-autobiographique d’une éminente scénariste de bande dessinée française, Loo Hui Phang, 45 ans, saluée pour ses collaborations avec Philippe Dupuy (Les Enfants pâles, Nuages et pluie) ou Frederik Peeters (L’Odeur des garçons affamés). Fidèle au titre de son roman emprunté à Bashung, elle interroge ses identités avec une langue mystérieuse, précise et musicale, qui « laisse venir » les sensations et interprétations.
Au micro du juke-box littéraire de Radio Nova, Loo Hui Phang rencontre aujourd’hui une autre romancière de la rentrée, adepte d’identités multiples et qui apprécie, elle aussi, ce qui l’emporte « ailleurs et autrement ». Critique littéraire, parolière, chanteuse et danseuse du groupe Catastrophe, Blandine Rinkel, 28 ans, dévoile Le Nom secret des choses (Fayard), soit le roman de la mue d’Océane, étudiante vendéenne aux connaissances « moyennes – entendre : des classes moyennes », pour qui « l’imitation est le jeu favori », et qui va apprendre à « savoir quoi penser » du « bruit infernal et ivre » de la capitale, du snobisme codé de ses habitants, au fil des métamorphoses que sa migration va engendrer, dans son apparence, son langage, ou à l’état-civil. « Cette manière que tu as de te forcer, à prononcer des mots qui ne ressemblent pas. Ton malaise est aussi flagrant qu’un mauvais doublage de film américain. » Le livre, lui, invite à redoubler d’invention pour avancer démasqué(e).
Au terme de cette interview croisée, l’émission sera conclue par une très belle reprise live du hit de Bronski Beat, Smalltown boy, par Catastrophe, enregistrée dans nos studios spécialement pour l’occasion. Run away, turn away.
Une émission imaginée et animée par Richard Gaitet, réalisée par Sulivan Clabaut avec l’aide de Tristan Guérin. Captation et mix du live de Catastrophe : Benoît Thuault. Vidéo : Morane Aubert et Sébastien Carriau.
La photo de Blandine Rinkel est signée Loo Hui Phang.
La photo de Loo Hui Phang est signée Blandine Rinkel.